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Etre Parisien et handicapé,

une équation à plusieurs inconnues

 

 

12 millions. C’est le nombre total de personnes en situation de handicap recensées en France, soit près d’1 Français sur 6 correspondant aux termes de la loi du 11 février 2005 ; « Constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société (...) en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Dans la capitale, on dénombre 8 780 enfants souffrants d’un handicap, soit une hausse de 91% comparé à 2007, selon l’étude de l’OPH (nombre d’enfants bénéficiaires de l’Allocation d’Education de l’Enfant handicapé). Concernant les adultes, 60 000 travailleurs handicapés sont présents sur le territoire parisien, soit 4,6% des actifs. Actifs signifie mobiles, et donc sujets à de nombreux déplacements. Dans ce contexte, la question de l’offre de transports adaptée aux personnes à mobilité réduite est essentielle. Les transports en commun parisiens sont particulièrement difficiles d’accès pour les personnes handicapées. Leur construction, principalement souterraine, et la densité d’usagers présents quotidiennement dans les lignes de transports de la capitale en sont les deux principales raisons. Depuis une quinzaine d’années, les politiques publiques, en partenariat avec les organismes de transports, tentent de trouver des solutions à ces problèmes. « La ville du quart d’heure », souhaitée par la maire Anne Hidalgo, va par exemple dans ce sens.

 

Le handicap, un enjeu politique

 

Défi social, le handicap est un sujet porteur lors des élections municipales. Le maire, élu local, est vu par plus de 70% des Français comme l’échelle la plus à même de répondre à leurs besoins du quotidien (Ifop). Le deuxième tour des élections municipales 2020, sera par ailleurs l’occasion de vérifier cette tendance. Sujet de fond de campagne ou vitrine électorale, il demeure intéressant d’étudier la proportion de réformes liées au handicap dans le programme des différents candidats.

 

La candidate LR, Rachida Dati, place la santé et la solidarité en septième position dans ses dix axes de campagne. Cette dernière souhaite réaliser un « diagnostic de l’accessibilité des établissements publics, qu’ils dépendent de la Ville de Paris, ou de la Région ». Elle soutiendra « logistiquement, matériellement et financièrement le programme de mise en accessibilité des stations de métro et de RER avec la Région ». Actuellement, seules les neufs stations de métro de la ligne 14 sont accessibles aux personnes à mobilités réduites (PMR) sur les 303 du réseau francilien. Une situation que la maire du 7ème arrondissement souhaite faire évoluer. La maire sortante, Anne Hidalgo, quant à elle, revient sur le bilan de son mandat actuel, et prolonge son ambition ; "50% des équipements de la Ville seront accessibles en 2020 (déjà 33,3 millions d'euros investis) ; en 2014, 23% des logements sociaux étaient accessibles, ils seront 40% en 2020. Par ailleurs, ce sont près de 10 000 enfants en situation de handicap qui sont scolarisés à Paris (2000 de plus qu'en 2014).". De son côté, la candidate LREM, Agnès Buzyn, ne présente pas d’idées concrètes pour faciliter la vie des PMR. La marcheuse évoque uniquement la volonté de « rendre accessible la majorité des mairies d’arrondissements, écoles, conservatoires, bibliothèques et musées pour les personnes en situation de handicap d’ici aux Jeux Olmpiques de 2024 ». Enfin le candidat dissident, Cédric Villani, est sans doute le candidat dont le programme se penche le plus sur le sujet du handicap, avec la volonte de « créer un réseau de navettes sur commande, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Leur circuit s’adaptera en temps réel aux demandes des usagers, grâce à une application. Elles seront accessibles aux personnes à mobilité réduite ».

Transports en commun et équipements

 

Sur les 303 stations qui composent le métro parisien, seule la ligne 14 est adaptée aux personnes à mobilité réduite. La construction du métro, dont les travaux ont débutés en 1898, n’a jamais prise en compte les difficultés liées à la mobilité des personnes en situation de handicap. Bien que les nouvelles stations et celles rénovées doivent maintenant répondre aux besoins des PMR, le métro parisien est un véritable « parcours du combattant » pour les usagers à mobilité restreinte. Jacim, kinésithérapeute, est de ceux-là. Aveugle depuis la naissance, ce père de deux enfants reconnait avoir « apprivoisé » les transports en commun : « C’est vrai que j’ai la chance de pouvoir prendre le bus, qui est une solution plus simple que le métro dans mon cas. Mais il m’arrive souvent de devoir emprunté les sous-terrains quand je vais en consultation à domicile ». Pour Jacim, le métro est un « défi ». Il regrette notamment le fait que peu de lignes du métro parisien possèdent des portes automatiques. « Je suis obligé de choisir des itinéraires qui n’ont aucun sens. Par exemple, pour aller à Denfert- Rochereau depuis Antony, la ville où j’habite, je prends le bus 197 qui traverse la N20 jusqu’à Porte d’Orléans. Puis je prends le bus 68. En gros, je prends plus d’une heure alors que si j’avais pris le RER B depuis Antony je serais arrivé à Denfert-Rochereau en quinze minutes ! ». Un casse-tête. Mais Jacim reconnait un point positif au monde sous-terrain, la solidarité : « On dit tout le temps que les Parisiens sont aigris, qu’ils ne parlent à personne. Et bien chaque fois que je prends le métro, on me propose de l’aide, on m’indique, j’arrive à distinguer les sourires bienveillants à la voix. Pour les personnes valides je ne sais pas, mais il y a une vraie empathie pour nous, les handicapés, dans le métro ». Pour David Pereira, étudiant en master 2 de communication, les trajets quotidiens sont difficiles mais organisés : "La RATP et la SNCF ont deux politiques très différentes pour gérer la question. Quand j'arrive à ma gare, je préviens les agents RATP de ma destination et eux s'assurent que tous les dispositifs sur mon trajet fonctionnent correctement. Il faut que j'aille systématiquement en tête de quai avec la probabilité que je doive remonter tout le quai pour prendre l'ascenseur ensuite. Un agent me met dans le train, un autre m'attend pour me descendre du train.". Quant à la SNCF, le service est différent. Sur AccèsPlus, le jeune homme doit réserver son trajet en précisant quels trains il va prendre. Mais à l'entendre, c'est un peu au petit bonheur la chance. Si les ascenseurs dans sa gare sont en panne, surprise ! Il doit aller à la gare précédente pour repartir dans sa direction. 

Fait peu connu : la question du harcèlement. Pour les personnes avec un handicap, il est plus difficile de se défendre. C'est le cas de Pascal, malvoyant : "Je discutais musique avec un monsieur dans le métro. Il m'a aidé à faire mon changement à une autre station. Il a voulu me faire écouter sa musique avec son téléphone. Mais il a fini par l'utiliser pour me toucher et heureusement ça s'est arrêté quand le RER est arrivé. Il ne m'a pas suivi.". Une histoire qui entre dans la question de l'accessibilité : la situation de vulnérabilité. 

 

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